Le doux petit cocon
Mardi 21 mai
Petit matin humide, coassement des grenouilles... Sous la tente, rien ne bouge, ou pas grand chose. On est si bien dans notre doux petit cocon...
Mais il faut se lever, en se disant que ce soir nous serons ailleurs, un peu plus loin. À nouveau on installera notre petit chez-nous réduit à l'essentiel. Et entre les deux, une journée à regarder le paysage défiler au rythme de nos coups de pédales, à respirer les odeurs printanières, à récolter les saluts des cyclistes croisés, les sourires ou les mines étonnées des passants... Sauf imprévu (mais il y en a toujours), ce sera notre quotidien jusqu'en Octobre. Et on aime ça.
Chaque matin le rituel est le même : le pschitt des matelas qu'on dégonfle, nos corps encore allongés qui se posent sur le sol tandis que l'air s'échappe, bisous, habillage, pliage des duvets et des affaires, petit-déjeuner, toilette, pliage de la tente, rangement et fermeture des sacoches. Le ballet est bien réglé. On a même battu un record : 1 heure 15 seulement entre le lever et le départ. D'habitude on est plutôt à 1 heure 45.
Petite nouveauté cette année : une éponge pour enlever l'eau de la toile (merci Alexis et Caroline pour l'astuce).
Et c'est parti pour la journée.
Diesel
Quelques tours de pédales pour chauffer la machine et le rythme s'installe. J'aime beaucoup démarrer le matin sur un développement trop long. Je veux sentir l'effort devenir mouvement, comme une vieille loco à vapeur : au premier coup de bielle la roue frotte le rail et le train bouge à peine. Puis l'obstination de la machine fait son effet, le convoi s'ébranle lentement et accélère. Dans mon cas, la roue ne dérape pas, bien sûr, mais c'est pour décrire la sensation...
Non, le Berry n'est pas plat
Nous roulons en direction de Chateauroux. L'indre n'est pas un département qui fait rêver les touristes, mais c'est précisément ce qui nous attire : les paysages verdoyants, le silence, les odeurs sucrées des glycines, les petites routes désertes, la paix... Il faut juste penser à faire ses provisions quand une occasion se présente, car elles ne sont pas si nombreuses.
En décidant de suivre la véloroute de l'Indre, je m'étais imaginé une route plate le long d'une rivière. Mais ce n'est pas le cas. Certes la route longe la rivière, mais de loin, en sautillant tous les vallons transversaux qui rejoignent le cours principal, et ils sont nombreux. Le dénivelé positif s'accumule, tandis que l'altitude grimpe. imperceptiblement.
Le Berry sonne
Mercredi 22 mai
Ce matin, j'ai reçu un SMS de Marie-Jo, cycliste du club CCLM : Elle a vu que notre trace passait non loin de Tranzault, au sud-est de Chateauroux, où habite son frère Guy. Elle propose que nous lui rendions visite. Je vérifie... Pourquoi pas, çà ne fait même pas un détour. J'appelle au numéro qu'elle m'a laissé, pas de réponse. Je laisse un message. On verra bien, laissons faire le hasard...
5 km avant d'arriver à Tranzault, je croise une voiture " VT Tranzault ", style voiture suiveuse d'équipe cycliste, avec les porte-vélos sur le toit, les décorations et tout. Pas longtemps après, la voiture revient et s'arrête un peu plus loin. C'est Guy ! Il a eu mon message et est venu à notre rencontre ! Et comme le hasard fait très bien les choses, il est presque midi : Nous voilà invités chez Guy et Michèle pour le déjeuner !
Nous avions déjà rencontré Guy au festival du voyage à vélo au Mans cette année. Guy est cyclo-voyageur. Il se prépare à partir pour le Cap Nord avec un ami. Nous avons évidemment beaucoup de choses à nous dire... Mais pas grand chose à lui apprendre ! Il nous a montré son vélo : son équipement est très au point. On sent l'expérience dans le souci du détail...
Après ce petit repas improvisé et d'autant plus sympathique, nous lui souhaitons bon voyage et reprenons la route.
Jeudi 23 mai
Plus nous avançons vers le sud du département, plus le relief s'accentue. La véloroute emprunte parfois des chemins non revêtus, rendus humides et boueux par les averses qui se succèdent. Nous évitons les nids de poule et roulons dans les flaques d'eau, dont le fond est souvent plus ferme que les bords. Les vélos bien propres du départ, c'est déjà fini.
Chanson de circonstance : " On dirait qu'ça t'gêne de marcher dans la boue " (M.Delpech)
Pourtant, nous devons allonger les étapes car j'ai fait une erreur de calcul sur l'itinéraire et nous avons deux jours à rattraper si l'on veut être à Colmar le 4 juin. C'est encore loin, mais on préfère quand même avoir un peu d'avance, une poire pour la soif en quelque sorte. De toute façon, le temps très humide, pour ne pas dire plus, n'invite pas à la flânerie.
Sancoins, mais pas sans charme
Il se trouve que la V56, la véloroute que nous suivons depuis La Châtre, fait ami-ami avec un des chemins de Saint-Jacques, celui qui passe par Vézelay. Nous croisons de temps en temps des pélerins, marcheurs ou cyclistes : " Salut, vous faites le chemin à l'envers ? - Non, nous allons en Pologne ! - Mais c'est pas la route ! - Bah non, on s'promène ".
Nous arrivons ce soir dans la petite ville de Sancoins. Pas de camping à proximité, ou alors un super-camping " Capfun " un peu plus loin. Rien que le nom est pour nous un repoussoir. Béatrice à repéré à Sancoins un hôtel qui dispose d'un dortoir pour les marcheurs : C'est parfait ! D'autant plus que nous y serons seuls ce soir. La vieille bâtisse un peu decrépie ne manque pas de charme, et comme il n'est pas tard nous profitons de quelques trouées ensoleillées pour nous réchauffer dans le jardin.
Curiosité, sur la voiture du propriétaire (un gros pick-up Toyota) je lis " Lieutenant de louveterie ". Tiens, de quoi s'agit-il ? Posons la question à Wikipedia. Je cite : Un lieutenant de louveterie ou louvetier est une personne privée exerçant à titre bénévole une fonction civique d'auxiliaire de l’État auprès des services publics de la commune dans laquelle il est domicilié en matière de faune sauvage, y compris sur le plan sanitaire.
Voilà. Vous en savez autant que nous.
L'halte idéale
Vendredi 24 mai
Nous avons quitté le chemin de Saint-Jacques et ses pélerins, et au sud de Nevers nous avons rejoint la Loire non loin du " bec d'Allier " (le confluent de la Loire et de l'Allier). Nous sommes maintenant sur l'Eurovélo 6 (l'EV6), la prestigieuse véloroute qui relie l'Atlantique à la mer noire. Cette véloroute pour le moment tient ses promesses : elle longe à peu près le fleuve ou son canal latéral, et est donc relativement plate. Du coup, nous allongeons encore plus les étapes. Le retard est rattrapé, nous prenons maintenant de l'avance.
Cette partie de l'EV6, qui traverse la Bourgogne et le Charolais, est certes moins fréquentée que la Loire " des châteaux ". Mais, étonamment, on y croise quand même pas mal de cyclistes très chargés, donc campeurs comme nous. La météo toujours aussi médiocre ne semble pas décourager les pédaleurs, et il y a toujours un salut amical et un sourire sous la capuche du K-Way !
A Charrin, nous tombons presque par hasard sur la " halte véloroute ". C'est un mini-camping conçu par et pour les cyclistes : en plein milieu du village, un petit carré d'herbe pour planter quelques tentes, une salle commune avec tables, frigo, micro-onde, et bien sûr une douche, ultra-propre et très confortable. Il y a même des toilettes à la japonaise, c'est à dire avec siège auto-nettoyant rotatif à capteur de proximité (enfin je suppose). Dans mon cas ça a raté : l'auto-nettoyage s'est déclenché un peu trop tôt.
Et j'allais oublier le garage à vélo fermé, avec tout ce qu'il faut pour l'entetien et même des réparations assez approfondies. Juste en face, un café-restaurant-épicerie comme on aimerait en trouver plus souvent. De loin la meilleure étape cycliste jusqu'à présent. Si vous passez par là en vélo encouragez-les, ils le méritent !
Volesvres sont fermées !
Samedi 25 mai
Volesvres, c'est le nom du village où nous pensons faire étape ce soir. C'est après Paray-le-Monial, dans le pays Charolais. On est censé y trouver un petit camping municipal, ce que confirment plusieurs panneaux disposés sur la route.
Lorsque nous y arrivons. Le camping est désert (le village aussi d'ailleurs). Sur la guérite, un écriteau " Fermé ". Problème : on ne sait pas si c'est fermé parce qu'il est tard, parce qu'on est samedi, parce que la saison n'est pas encore commencée, ou parce que le camping est fermé définitivement. A travers la fenêtre de la guérite j'aperçois le numéro de l'employée municipale en charge du lieu. J'appelle. Pas de réponse, bien entendu. Je laisse un message, sans conviction.
On décide de rester quand même. Évidemment les sanitaires sont fermés, il y a juste un robinet d'eau froide à l'extérieur. On s'en contentera. Nous nous installons donc discrètement au fond du terrain. Petite toilette en catimini et zou au dodo. Personne n'est venu nous demander quoi que ce soit.
Dimanche 26 et lundi 27 mai
La traversée du Charolais n'est pas de tout repos. l'EV6 nous réserve quelques sévères grimpettes jusqu'à Montceau-les-mines. Ensuite, la route redevient plus sage. A Montchanin, on passe la ligne de partage des eaux Atlantique-Méditerranée. On enquille un canal qui descend le long d'une petite rivière (la Dheune). Les écluses sont douces et le bitume en bon état... Pour le moment, nos vélos sont à assistance gravitique...
Après Chalon-sur-Saône, la route hésite entre la Saône et le Doubs, ce qui nous vaut encore quelques côtes. Puis finalement nous restons fidèle à la Saône. Nous remontons le courant, mais là encore les écluses sont espacées et le gain d'altitude est insignifiant.
Doubs Seurre
Nous arrivons de bonne heure à Seurre sur les bords de la Saône, jolie petite ville qui a décidé de soigner les touristes de passage, essentiellement des plaisanciers et des cyclistes.
Dans le vaste et agréable camping municipal de Seurre nous avons fait la connaissance de François et Christian, qui font un bout de route ensemble. L'un va vers Istanbul, l'autre rentre chez lui en Suisse... Encore une belle soirée imprévue, à papoter entre gens qui partagent la même passion ! Nous échangeons nos coordonnées. Il est question de retrouver Christian en Suisse lorsque nous serons sur le chemin du retour. Affaire à suivre...
Mardi 28 et mercredi 29 mai
Après Seurre nous abandonnons définitivement la Saône pour le Doubs. La route monte tranquillement, d'écluse en écluse, avec parfois quelques petits sauts pour couper un méandre, ce qui nous vaut quelques coups de pédale appuyés, histoire de se souvenir que voyager à vélo ne peut pas toujours être aussi facile.
Nous avons maintenant 3 jours d'avance et nous pensons à ralentir un peu. Nos amis de Vesoul, Sylvie et Jacques, s'inquiètent : ils avaient prévu de nous rejoindre, voire de faire un bout de chemin avec nous, mais notre décalage de calendrier oblige à modifier les plans. Nous convenons de nous retrouver à Baume-les-Dames au camping, et de simplement passer la soirée ensemble. Après tout, c'est ce qui compte...
Bon repas au restaurant " La capitainerie " sur le petit port de plaisance. Discussion d'anciens combattants entre Jacques et le patron du resto, qui ont semble-t-il des connaissances en commun. Puis nos amis reprennent la route vers Vesoul, et nous rentrons chez nous.
Nuit calme au chaud (et au sec !) sous la tente tandis que la pluie crépite sur la toile. Bonheur...
Les aquarelles de Béatrice
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Photos lumineuses malgré une météo sournoise, des aquarelles toujours plus belles et te lire est un vrai régal... on voyage avec vous finalement ! Bon vent les "zamicouchés"
RépondreSupprimerJacques de V'zoul
De magnifiques aquarelles Beatrice. Bravo et bon voyage en espérant meilleure météo en juin
RépondreSupprimerDanielle